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Marguerite Steinheil

Marguerite Steinheil Émotion à l’Élysée. Le président de la République, Félix Faure est mort dans les bras de sa maîtresse. Cela s’est passé le 16 février 1899...

Origine

Née à Beaucourt (Territoire de Belfort) dans une riche famille industrielle, elle est la fille d’Edouard Japy, industriel protestant devenu rentier. Sa mère est une fille d’aubergiste. Enfant, elle étudie le piano et le violon ; elle fait ses débuts dans le monde en 1886 en participant à des bals de garnison. Elle s’éprend d’un jeune officier, liaison à laquelle son père met un terme.

En 1889, elle part à Bayonne chez sa sœur aînée pour se changer les idées ; elle y rencontre le peintre Adolphe Steinheil, neveu du peintre Meissonier. Elle le retrouvera plus tard à Biarritz, où il exécute des fresques pour la cathédrale.

Le 9 juillet 1890, elle épouse Adolphe Steinheil au temple protestant de Beaucourt. Elle aura de lui une fille, Marthe. Mais bientôt la mésentente s’installe au sein du couple, qui évite le divorce mais vit sans intimité.

Elle devient par ailleurs une figure importante de la vie parisienne, son salon est fréquenté par la bonne société (Gounod, Lesseps, Massenet, Coppée, Zola, Loti).

Maîtresse présidentielle

En 1897, elle est présentée, à Chamonix, au président Félix Faure, qui confie une commande officielle à Adolphe Steinheil. De ce fait, Félix Faure se rendra souvent Impasse Ronsin, à Paris, à la Villa où réside le couple Steinheil.

Bientôt, Marguerite devient la maîtresse de Félix Faure et le rejoint régulièrement dans le "salon bleu" du Palais de l’Elysée.

Le 16 février 1899, Félix Faure appelle Marguerite au téléphone et lui demande de passer le voir en fin d’après-midi. Quelques instants après son arrivée, les domestiques entendent un coup de sonnette éperdu et accourent : allongé sur un divan, le président râle tandis que Marguerite Steinheil rajuste ses vêtements en désordre. Félix Faure meurt quelques heures plus tard.

Femme du monde

Après la mort de Félix Faure, Marguerite Steinheil devient la maîtresse de diverses personnalités.

Selon ses "Mémoires", son époux et elle auraient reçu la visite d’un mystérieux visiteur allemand, lequel aurait racheté l’une après l’autre les perles d’un collier que lui aurait offert Félix Faure (le "collier présidentiel") et aurait réclamé le manuscrit des Mémoires du président défunt.

En février 1908, elle fait la connaissance d’un industriel, Borderel, originaire des Ardennes, dont elle devient la maîtresse.

Le 7 avril 1908, Adolphe Steinheil expose des toiles dans son atelier, attirant le Tout-Paris qui défile devant les dernières œuvres du peintre.

L’affaire Steinheil

Le 30 mai 1908, Madame Japy, mère de Marguerite, vient passer quelques jours chez sa fille à Bellevue. Initialement prévu le soir, le départ est à la dernière minute reporté le lendemain.

Le lendemain 31 mai, à 6 heures du matin, le domestique Rémy Couillard descend de sa chambre, située sous les combles et découvre toutes les portes du premier étage ouvertes : parcourant les chambres, il découvre successivement Madame Japy puis Adolphe Steinheil, morts.

Madame Japy est morte d’une crise cardiaque, Adolphe Steinheil a été étranglé ; Marguerite est bâillonnée et ligotée à un lit : elle expliquera aux policiers avoir été attachée par quatre personnes (trois hommes et une femme) en habits noirs. On a pensé qu’ils recherchaient des documents secrets ayant appartenu au président Faure, sans doute en rapport avec l’affaire Dreyfus.

Les services de police soupçonnent tout d’abort Marguerite, mais faute de preuves tangibles, l’affaire est classée. C’est Marguerite Steinheil elle-même qui relancera l’enquête en glissant dans une poche de Rémy Couillard, son domestique, une perle qu’elle affirma s’être fait voler par ses quatre assaillants. Démasquée, elle cherche à faire accuser Alexandre Wolff, le fils de sa gouvernante, mais celui-ci a un alibi... Durant l’enquête, elle ne cesse de varier dans ses versions, accusant sans cesse une personne à la place d’une autre.

Le 4 novembre 1908, le juge d’instruction, M. Leydet, ordonne qu’elle soit arrêtée et emprisonnée à la prison de Saint Lazare. Il sera dessaisi de l’affaire au profit d’un nouveau juge, M. André.

Procès

Le procès s’ouvre le 3 novembre 1909 : la Cour d’assises de Paris est présidée par le président M. de Vallès ; Marguerite est défendue par Maître Antony Aubin, avocat, assisté de Maître Landowski. Les répliques de Marguerite Steinheil fuseront pendant tout le procès :

- "J’ai menti pour protéger ma vie de femme".

- "Jusqu’en 1905, vous rencontriez vos amants à l’hôtel ?" - "J’avais cette délicatesse !"

Pendant le procès, très médiatisé, on apprendra que Marguerite Steinheil avait énormément d’admirateurs, parmi lesquels le roi Sisowath du Cambodge. L’opposition cherchera à faire de cette affaire un procès politique et l’on accusera au passage Mme Steinheil d’avoir empoisonné Félix Faure, pour le compte d’un parti antisémite.

Le 14 novembre 1909, après une plaidoirie de son avocat ayant duré plus de 7 heures, elle sera acquittée bien que le juge ait qualifié son discours de « tissus de mensonges ».

Hypothèse sur le meurtrier ?

S’il est aujourd’hui acquis qu’elle ne peut être la meurtrière de son époux et de sa mère, on s’interroge encore sur l’identité de ce meurtrier : selon certains historiens, il s’agirait probablement d’un grand-duc de Russie, l’affaire ayant été étouffée pour raison d’État.

Une lady [modifier]

Après le procès, elle ira vivre à Londres sous le nom de Mme de Serignac. Elle rédige ses mémoires en 1912 et, le 26 juin 1917, épouse Robert Brooke Campbell Scarlett, 6e Baron Abinger (mort en 1927) et deviendra Lady Abinger.

Elle décèdera à son tour le 18 juillet 1954 dans une maison de repos à Hove, comté de... Sussex[1].

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